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Au Nom de l'Harmonie, tome 1 : Zéphyr - Chapitre 2

Je sursautai quand le bip insupportable de mon réveil se déclencha. Encore à moitié endormie, je sortis un bras de ma couette et tapotai ma table de nuit à la recherche du bouton d’arrêt. Alors seulement, je pris conscience qu’une sensation étrange me parcourait le corps ; une sorte de fourmillement. Mettant cela sur le compte de la fatigue, je restai quelques minutes de plus la tête planquée sous la couverture. Malheureusement, l’horripilant bip se remit en marche et je finis par me lever.

À cette heure-ci, mon frère était déjà parti travailler. Je traversai le salon d’un pas traînant tout en réfléchissant à ce que j’allais me préparer à manger. À l’instant où je m’aperçus dans le miroir en pied, je stoppai net. Je fermai les yeux pendant plusieurs secondes et les frottai énergiquement. Puis je les rouvris.

C’est impossible…

Je m’observai de nouveau, mais rien n’avait changé…

Je dois encore rêver.

Je souris ; cela avait l’avantage d’être drôle. Devant moi flottaient ma chemise de nuit et mon élastique. Mon corps, lui, avait totalement disparu.

Qu’est-ce que j’ai bien pu regarder hier soir pour rêver d’un truc pareil ?

Mon estomac se mit à gronder. Je me préparai machinalement un thé à la menthe ainsi qu’un bol de céréales et m’installai à la table du salon où David avait laissé quelques tartines grillées. La première bouchée me sembla étrangement réelle.

Trop réelle… Les aliments n’ont pas de goût dans les rêves…

Je faillis m’étrangler en réalisant que j’étais bien réveillée. Je me ruai devant le grand miroir et passai frénétiquement mes mains sur mon corps. Avec affolement, j’observai les plis se former sur ma chemise de nuit à mesure que je froissais le tissu.

Mais… qu’est-ce qui m’arrive ?

Je réprimai un cri de panique tandis que la crise d’angoisse me paralysait. Ma respiration s’accéléra subitement et ma tête se mit à tourner.

Calme-toi où tu vas finir par tomber dans les pommes ! Ce n’est pas réel…

Je pris de grandes inspirations et fermai les yeux, en priant de toutes mes forces pour que tout redevienne normal une fois que je les rouvrirais. Malgré mon appréhension, je levai une paupière, puis l’autre, constatant avec désespoir que mon reflet n’avait toujours pas changé.

Angoissée, je m’écartai de la glace et me jetai sur mon portable. J’étais folle, il n’y avait pas d’autres explications. Nathan me confirmerait que tout était normal lorsqu’il me verrait.

Je composai son numéro, l’estomac noué par l’anxiété et les mains moites.

Encore toi ?dit-il sur un ton taquin. J’espère que tu ne m’appelles pas pour faire le taxi, parce que, figure-toi que j’ai du travail.

Je ne répondis pas, ne sachant pas trop quoi dire.

Méli ? Tu as perdu ta langue ? Pour une fois que tu n’as aucune répartie…, s’esclaffa-t-il.

— Je n’ai pas perdu ma langue si c’est ce qui t’inquiète… C’est peut-être beaucoup plus grave. J’ai besoin de te voir… Maintenant.

Qu’est-ce qui t’arrive ? Est-ce que ça va ?

— Je ne sais pas… Je ne me sens pas très bien… j’ai besoin de te voir, répétai-je. S'il te plaît.

Bon, Ok. J’arrive dans quelques minutes.

— Merci.

Quand il raccrocha, je continuai de me poser tout un tas de questions, mais j’étais persuadée que tout rentrerait dans l’ordre une fois qu’il serait là.

La sonnette me tira de mes pensées. Je courus jusqu’à l’entrée et posai la main sur la poignée. Anxieuse, je m’apprêtai à ouvrir… puis stoppai mon geste au dernier moment.

Comment va-t-il réagir si je suis réellement invisible ? Est-ce qu’il va faire un malaise ? Ou pire, une crise cardiaque ?

— Qu’est-ce que tu fabriques, Méli ?

— Rien, seulement…

— Seulement, quoi ? Écoute, je n’ai pas toute la journée alors, soit tu ouvres cette porte, soit je repars !

— OK, me résignai-je.

Quand il m’aperçut, son air contrarié se changea en surprise. Il se figea sur le palier.

Et merde ! Je ne suis pas folle…

— Qu’est-ce que tu attends ? Entre ! Je n’ai pas envie que les voisins me voient en chemise de nuit, m’écriai-je.

Comme il ne bougeait toujours pas, je le tirai à l’intérieur avant de refermer la porte.

Exaspérée par son stoïcisme, je lui agrippai les épaules et le secouai brusquement.

— Mais dis quelque chose, enfin !

Il cligna plusieurs fois des yeux, puis me jaugea de haut en bas.

— Ok… ça va aller. Comment c'est arrivé ?

— Je… je ne sais pas. Quand je me suis réveillée, j’étais comme ça…

Je réfléchis un instant à tout ce qui aurait pu provoquer ce phénomène, bien que tout ça me paraisse hautement improbable.

— Le médaillon, me rappelai-je.

— Quoi, le médaillon ? demanda Nathan en fronçant ses sourcils parfaitement dessinés.

— C’est lui qui m’a fait ça, j’en suis sûre, affirmai-je. Quand tu me l’as attaché autour du cou, il s’est passé quelque chose. J’étais persuadée d’avoir rêvé et comme tu m’as dit que j’avais eu un malaise, je n’ai pas cherché plus loin, mais maintenant…

— Comment ça ?

— Ne me dis pas que tu n’as rien vu ? Pourtant…

— Non, je n’ai rien vu, me coupa-t-il, mais je vais tout faire pour t’aider, je te le promets.

Bien qu’il ait l’air vraiment inquiet, ce doute continuait de me ronger.

— Où est-il ? Où est le médaillon, demandai-je méfiante.

— Qu’est-ce qui t’arrive, Méli ? Tu crois vraiment qu’un simple médaillon puisse être à l’origine de ça ? dit-il en esquissant un geste dans ma direction.

— Donne-le-moi !

— Ok, soupira-t-il, mais je ne suis pas certain que ça change quelque chose.

Il extirpa la petite boîte en velours de sa poche et me la tendit. Je lui arrachai presque des mains. L’appréhension qui m’envahissait me comprimait l’estomac, mais je fis mon possible pour l’ignorer. Une fois le bijou accroché autour du cou, je me concentrai pour répéter les mêmes gestes que la veille, même si j’avais du mal à croire que ça puisse changer quoi que ce soit.

Je plaçai ma paume contre la spirale et respirai profondément. Me préparant à la chaleur presque douloureuse qui s’était échappée de l’objet la première fois, je fermai les yeux. Puis j’attendis, espérant naïvement que cela résoudrait mon problème. Malheureusement, rien ne se produisit…

— Tu as raison, c’est ridicule, dis-je en retirant le collier.

Voyant mon dernier espoir anéanti, je cédai de nouveau à la panique ; cette situation ne pouvait pas être réelle.

— Ne t’inquiète pas, on va trouver une solution, me rassura Nathan. Allez, viens par là.

Il m’attira dans ses bras et reposa son menton sur le haut de ma tête. Ses mains caressaient mon dos dans un tendre va et vient, mais cette proximité, aussi réconfortante fut-elle, me fit craquer. C’était le geste de trop. Mes yeux me brûlèrent et des larmes roulèrent sur mes joues. Je lui rendis son étreinte et me blottis plus étroitement contre lui, cherchant du réconfort en respirant son odeur familière, ce doux parfum subtil qui me faisait toujours me sentir en sécurité.

De longues minutes s’écoulèrent avant que je ne réussisse à me calmer. Lorsque ce fut le cas, Nathan chercha mon visage et le prit entre ses mains. Il essuya mes larmes de ses pouces, et plongea son regard dans le mien.

— Méli… je crois qu’il serait préférable que tu viennes chez moi jusqu’à ce que tu retrouves ton corps.

— D’accord, acquiesçai-je, trop bouleversée pour réfléchir à quoi que ce soit.

Mes bras restèrent crispés autour de lui, comme s’il représentait mon seul espoir de redevenir normal.

— OK, laisse-moi le temps de rapprocher la voiture ; il reste des places en bas dans la cour. Je reviens dans cinq minutes. Ça va aller ?

— Oui, je crois…, répondis-je tandis qu’il me décrochait lentement de sa taille.

Quand Nathan s’éclipsa, j’eus la présence d’esprit de m’habiller, attrapant un débardeur gris clair et un jean assorti qui traînaient sur le séchoir à linge. Même si cela n’avait aucune importance vu mon état, je ne pouvais me résigner à sortir de chez moi en chemise de nuit.

La porte s’ouvrit de nouveau et Nathan entra.

— C’est bon, la voiture est juste à l’entrée de l’immeuble ; on peut y aller.

— Et si quelqu’un me voit ? Il y a six appartements ici, sans compter le bâtiment d’en face qui a des fenêtres avec vue sur la cour…

— Ne t’inquiète pas, on avisera. Allez, viens, dit-il en me tendant sa main.

Je la pris, bien que l’angoisse me comprime l’estomac. Il me guida dans l’escalier jusqu’au dernier palier. C’est à ce moment-là qu’une porte claqua.

Je me figeai tandis que Nathan resserrait sa prise sur ma main. Il se tourna vers moi et regarda par-dessus mon épaule pour identifier l’origine du bruit. Des pas résonnèrent plus bas dans l’escalier. Nathan fit demi-tour et m’entraîna avec lui jusqu’au palier supérieur. Il stoppa sa course seulement lorsque nous fûmes à l’abri, de l’autre côté de la porte de séparation. Je priai silencieusement pour que la personne qui montait les escaliers n’habite pas l’un des deux appartements de cet étage.

Plus les pas se rapprochaient, plus je sentais la main de Nathan se crisper sur la mienne. Mon cœur martelait ma poitrine à un rythme effréné. Le bruit s’éloigna enfin, m’arrachant un soupir de soulagement. Nathan attendit encore quelques secondes, avant de passer sa tête par l’entrebâillement de la porte.

— C’est bon, on peut repartir.

Nous reprîmes notre prudente progression jusqu'à l’entrée de l’immeuble.

— Attends-moi là une seconde.

Sans me laisser le temps de répondre, il passa sa tête dehors, scruta les alentours et revint vers moi.

— C’est bon, il n’y a personne dans la cour, allez viens.

J’attrapai de nouveau sa main et il courut jusqu’à sa petite voiture rouge qu’il ouvrit à distance. Il me poussa sans ménagement sur la banquette arrière avant de refermer la portière derrière moi. Il ne perdit pas une seconde et s’installa rapidement à la place conducteur.

— Pourquoi, tu m’as obligée à monter à l’arrière ? me vexai-je.

— Parce que mes vitres arrière sont teintées et que personne ne risque de te voir, contrairement au siège passager. Maintenant, attache ta ceinture.


Arrivés à Saintry sur Seine, Nathan se gara devant chez lui. Il répéta le même rituel, scrutant les alentours pour vérifier que la voie était libre. Après avoir déverrouillé sa porte d’entrée, il m’autorisa enfin à sortir.

Je me laissai tomber sur son canapé, en attendant la suite.

— Tu veux boire quelque chose ?

— Depuis quand es-tu si serviable ? le taquinai-je.

Son visage se rembrunit.

— Depuis que tu as pleuré plus de quinze minutes dans mes bras, sans cesser de t’agripper à ma chemise tellement tu étais désespérée.

Je restai bouche bée face à sa réponse. Mes joues s’enflammèrent.

— Donc, tu veux boire quelque chose ? répéta-t-il.

— Oui… si tu veux, bafouillai-je.

Il semblait nerveux quand il déposa un verre de jus d’orange sur la table basse, devant moi.

— Pourquoi m’as-tu offert ce pendentif ? commençai-je de but en blanc.

Il s’installa à côté de moi et prit son temps pour me répondre.

— Je ne sais pas… J’avais envie de te faire plaisir. Et si j’ai choisi celui-là en particulier, c’était justement parce qu’il ressemblait à la cicatrice dont tu m’as si souvent parlé. J’ai pensé que ça pourrait être ton porte-bonheur…

— Mais… on s’était mis d’accord…

— Méli ! me coupa-t-il. Si j’ai envie de t’offrir quelque chose, je le fais, point barre ! On s’est juste mis d’accord sur le fait de ne rien s’offrir lors des événements importants, comme les anniversaires ou Noël.

Dépitée d’avoir douté de lui, je baissai les yeux. C’est à ce moment-là que la sonnette retentit.

Nathan riva son regard sur la porte d’entrée, avant de se décider à vérifier l’identité de notre visiteur indésirable.

— Et merde, il ne manquait plus que ça ! lâcha-t-il en regardant à travers le judas.

Quand il se tourna vers moi, son visage reflétait un air contrarié.

— Qui est-ce ?

— Mes parents… Je ne sais vraiment pas ce qui leur prend de venir à cette heure-ci, surtout qu’ils connaissent mes horaires de travail, mais ils ne vont sûrement pas abandonner comme ça ; ils ont vu ma voiture et ils savent que je suis là.

Je me raidis en attendant ses instructions.

— Écoute, il faudrait que tu te caches quelque part, jusqu’à ce qu’ils repartent.

Je regardai autour de moi, sans trouver la moindre cachette crédible.

— Mais, où ? Tu habites dans un studio, tes placards sont pleins à craquer, et la seule pièce où je suis susceptible de me cacher est la salle de bain. Mais s’il prend l’envie à ton père ou à ta mère d’aller aux toilettes, ou de se laver les mains, pour je ne sais quelle raison, je suis foutue…

Il me fixa un instant. Sa contrariété se changea soudain en embarras.

— Il y a un autre moyen, mais ça ne va pas te plaire.

— Dis toujours.

— Si tu te déshabilles complètement, personne ne te verra. Où que tu sois.

Je me figeai à l’évocation de cette simple suggestion.

— Non… Non… hors de question ! Je préfère encore la première option !

— Tu sais aussi bien que moi que c’est la meilleure solution.

— Si je ne te connaissais pas mieux, je penserais que tu as manigancé tout ça pour me voir à poil.

— Méli ! me gronda-t-il. Tu es invisible, je ne verrai pas la moindre parcelle de ta peau dénudée. Maintenant, fais ce que je te dis, mes parents vont finir par s’impatienter et par entrer sans mon autorisation. Et il est hors de question qu’ils te voient comme ça ! Je n’ai pas la moindre envie qu’il leur arrive quelque chose. Ils commencent à être vieux et mon père est cardiaque.

Comme pour me prouver ce qu’il avançait, ses parents sonnèrent une nouvelle fois.

— Nathan, on sait que tu es là. Pourquoi tu n’ouvres pas ? demanda sa mère.

— Tu vas bien, au moins ? renchérit son père.

— Oui, j’arrive. Laissez-moi juste le temps de m’habiller, je prenais ma douche, répondit-il pour gagner un peu de temps.

Il reporta son attention sur moi.

— Dépêche-toi ou c’est moi qui m’en charge !

— Tu n’oserais pas, le défiai-je en soutenant son regard autoritaire, même si je savais qu’il ne pouvait pas me voir.

— Tu veux parier ?

Un peu surprise qu’il emploie ce ton avec moi, je me résignai.

— Je ne t’ai jamais vu te mettre dans un état pareil, soupirai-je. C’est d’accord, mais retourne-toi, ok ?

Il acquiesça et attendit, croisant les bras sur son torse avec impatience. L’estomac noué par l’appréhension, je me déshabillai lentement.

— C’est bon…

Il se retourna et regarda dans ma direction, comme s’il me voyait vraiment. J’avalais difficilement ma salive en l’observant se rapprocher à seulement quelques centimètres de mon corps nu. Ses mains se rapprochèrent dangereusement de mon visage. Je retins mon souffle et mon cœur s’emballa. Sa cible n’était autre que mon élastique qu’il se dépêcha d’ôter de mes cheveux.

Déçue et me sentant un peu bête d’avoir espéré autre chose de sa part, je relâchai lentement l’air qui s’était bloqué dans mes poumons. Bien que je sois invisible et qu’il ne me voie pas, le sentir aussi près de moi m’avait fait tout oublier de mon état.

— Voilà, comme ça tu es complètement invisible. Je compte sur toi pour rester discrète et ne pas faire de bruit.

J'acquiesçai en lui assurant qu’il n’avait pas de soucis à se faire.

Quand Nathan ouvrit à ses parents, je me recroquevillai dans un coin de la pièce en attendant qu’ils s’installent.

— Alors, qu’est-ce que vous me voulez, à cette heure-ci ? commença Nathan.

— Eh bien, quand nous sommes passés devant chez toi et que nous avons aperçu ta voiture, je me suis inquiétée, répondit sa mère.

— Et puis, on a décidé de s’arrêter pour vérifier que tu n’étais pas malade. En même temps, c’était l’occasion de t’inviter à notre dîner de demain soir, continua son père.

Nathan lâcha un grognement de frustration devant le comportement hyper protecteur de ses parents.

— Je vais bien, ce n’était pas la peine de vous inquiéter. C’est quoi cette histoire de dîner ?

— C’est une simple réunion de famille, avec quelques amis, répondit sa mère pendant que son père arpentait la petite pièce.

Dès qu’il s’approchait un peu trop près, je tentais de m’éloigner sans attirer son attention. L’inévitable arriva ; mon orteil heurta le pied d’une chaise… et un gémissement m’échappa. Je m’écroulai à terre sous les élancements douloureux qui battaient au rythme de mon cœur.

Nathan fit mine de ne rien entendre, mais ses parents se figèrent.

— Qu’est-ce que c’était que ça ? demanda sa mère, horrifiée, en inspectant toute la pièce.

Nathan devint nerveux.

— Bon, Papa, Maman, je ne veux pas vous mettre à la porte, mais…

— Oui, on sait que tu as du travail et, de toute façon, nous allions partir, reprit sa mère.

Elle ne cessait de regarder autour d’elle, comme si elle sentait ma présence. Cela accentua ma culpabilité.

Je me relevai prudemment tandis que Nathan les raccompagnait à l’entrée.

— Surtout, n’oublie pas notre dîner de demain soir, insista sa mère.

— J’y penserai, répondit-il machinalement, en refermant la porte derrière eux.

Il eut un temps d’hésitation, comme s’il réfléchissait. Finalement, il se retourna et scruta la pièce.

— Méli ? J’espère que t’es bien cachée, parce que si je t’attrape, tu vas me le payer.

J’attendais qu’il explose, qu’il me reproche ma maladresse ou qu’il s’énerve contre moi. À ma grande surprise, il n’en fit rien. Son expression sévère vacilla légèrement, laissant deviner la naissance d’un sourire lorsque le coin de ses lèvres se releva imperceptiblement.

Je ne répondis pas et me recroquevillai contre le mur derrière moi. Chahuter avec lui alors que j’étais nue comme un ver me gênait horriblement.

Il balaya la pièce du regard avant de longer les murs.

Et merde ! J’aurais dû me douter qu’il était aussi malin.

Un peu inquiète, je me déplaçai en fonction de lui, gardant toujours un espace de sécurité. Trop concentrée à essayer de lui échapper, je me cognai de nouveau le petit orteil contre le canapé.

Cette fois, ce ne fut pas un gémissement, mais un véritable cri de douleur qui m’échappa.

Avant que je ne réalise ce qui se passait, Nathan me plaquait sur le canapé. Le souffle court, le cœur au bord de l’explosion, je me figeai sous le poids de son corps. En temps normal, son contact me troublait déjà énormément, mais être nue contre lui était encore plus intense…

— Je t’ai eu, railla-t-il. Tu as de la chance d’être invisible, sinon tu aurais subi le supplice des petits Indiens !

Me retrouver dans ce genre de situation avec lui était une première, mais ce qui me surprit le plus, c’est qu’il ne semblait pas du tout perturbé par notre proximité. Cela me fit énormément de peine.

Je fis mon possible pour avoir une voix normale lorsque je lui lançai :

— Ne te réjouis pas trop vite, l’élève dépasse toujours le maître !

— C’est ce que tu crois, ricana-t-il en se relevant.

— Bon, assez joué, on fait quoi maintenant ?

Il réfléchit quelques secondes avant de me répondre.

— Pourquoi on n’essaierait pas d’améliorer ton apparence ?

— Tu veux dire, comme dans le film de l’homme invisible ? Avec du maquillage et une perruque ? demandai-je dubitative.

— En tout cas, ça ne coûte rien d’essayer…

— Est-ce que tu m’as déjà vue mettre du fond de teint ? Je te rappelle que les rares fois où je me maquille, j’applique juste une touche de mascara avec un peu de crayon noir…

— Où est le problème ? Je peux t’emmener faire quelques courses.

— Tu plaisantes ?!

— Bon… Et est-ce que tu as des T-shirts à manches longues, au moins ?

— Non… Ils étaient tous dans la valise que j’ai perdue en revenant du ski, gémis-je dépitée.

— Pas de perruque, non plus ?

Je ne pris pas la peine de lui répondre ; il savait que je n’en avais pas.

— Donc, je ne vois qu’une solution : t’emmener faire quelques courses.

— On ne peut pas attendre demain, pour voir comment ça évolue ?

— À toi de voir… Tu veux continuer à te mettre à poil devant n’importe qui ?

— Bien sûr que non ! bougonnai-je. Mais rien ne m’empêche de me cacher ici en attendant que ça s’arrange.

— Et si ma copine vient me rendre visite ?

Une lueur s’alluma soudain dans ses prunelles chaleureuses. Pendant une seconde, j’eus un pincement au cœur.

— Tu n’en as pas !

Il sourit avant de recommencer ses tentatives pour me convaincre.

— Allez, Méli, ça va être amusant.

— Amusant pour qui ?

— Bon, peut-être plus pour moi que pour toi, c’est vrai, mais…

— Mais tu adores trouver de nouvelles façons de me tourmenter, le coupai-je, furieuse.

Cette fois, il rit franchement, mais ne put s’empêcher de nier à demi ce dont je l’accusais. Il me laissa réfléchir pendant quelques minutes et en profita pour annuler ses rendez-vous de la journée.

Il recommença ses tentatives jusqu’à ce que je finisse par céder. Il savait que je ne pouvais rien lui refuser ; c’était un avocat hors pair quand il s’agissait de plaider sa cause.

Après tout, ça n’allait pas me tuer de déambuler au milieu de la foule, nue comme un ver… Je serais seulement extrêmement embarrassée, pour le plus grand plaisir de Nathan…


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