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Au Nom de l'Harmonie, tome 4 : Souffle de Vie Partie 1 - Chapitre 3

Lorsque je repris conscience, j’avais l’impression d’avoir la tête dans du coton. Mes oreilles bourdonnaient et la lumière aveuglante du plafond me crama les rétines. Je posai instinctivement mon bras en travers de mon visage pour me protéger les yeux.

— Vicky ? Tu es réveillée ?

Je déplaçai mon bras pour regarder Carole qui avait l’air tellement affolée que ça m’inquiéta. Puis je repensai à Morgan, à ce qui s’était passé, et je me redressai d’un bond. Un vertige m’assaillit et je faillis retomber en arrière, mais j’agrippai Carole à deux mains comme une folle.

— Où est Morgan ?! Est-ce qu’il va bien ? m’écriai-je en proie à la panique et à la peur de l’avoir définitivement perdu.

Ma sœur me dévisagea sans comprendre.

— Qu’est-ce que tu racontes ? Il y avait Morgan ?

— Oui. Il était grièvement blessé…, dis-je en me calmant un peu et en relâchant ma sœur.

— Tout ce que je sais, c’est que je t’ai cherchée partout et qu’en sortant du club une ambulance t’emmenait pour te transporter d’urgence à l’hôpital. Tu avais perdu connaissance et tes signes vitaux étaient très faibles… Qu’est-ce qui s’est passé ?

Il me fallut un instant pour comprendre ce que ma sœur me disait.

Comment mes signes vitaux ont pu être si faibles ? Ce n’est pas moi qui étais blessée…

Je regardai mon doigt blessé qui était à présent intact.

Comment est-ce possible ?

— Un type a planté Morgan avec un couteau…, murmurai-je. Ensuite, je ne sais pas trop ce qui est arrivé. C’est comme si j’avais voulu le soigner, c’était bizarre… et puis, j’ai dû perdre connaissance.

Carole me serra soudain dans ses bras.

— Tu m’as vraiment fait peur, Vicky. J’ai cru que j’allais te perdre et je ne supporterais pas de perdre quelqu’un d’autre, tu comprends ?

— Je suis désolée, chuchotai-je en la serrant un peu plus fort.

Elle se détacha de moi et me regarda avec inquiétude.

— Je vais chercher un médecin.

J’acquiesçai et elle sortit de ma chambre. Quelques minutes plus tard, elle revint accompagnée d’un interne. Après auscultation, il s’avérait que j’allais très bien, ce qui était incompréhensible pour le médecin qui remplissait mon dossier. Pourtant, il me laissa sortir à la condition que ma sœur veille sur moi pendant au moins 24h.

— Est-ce qu’il y avait un blessé grave dans l’ambulance ? demandai-je au médecin, pleine d’espoir. Le lieutenant de police Morgan Thomas ?

Le médecin me regarda en secouant la tête.

— Non, mademoiselle. Il n’y avait que vous… Aucun policier n’a été amené à l’hôpital hier soir.

— Hier soir ? répétai-je en regardant Carole avec effroi. Quelle heure est-il ?

Carole regarda sa montre.

— 21h…

— J’ai dormi une journée entière ? m’affolai-je.

Carole et le médecin acquiescèrent et ce dernier m’enleva la perfusion et les quelques capteurs auxquels j’étais reliée pendant que mon esprit revenait à cette horrible soirée.

— Bon sang…, murmurai-je.

Morgan est peut-être mort à l’heure qu’il est...

Si aucun blessé n’avait été transporté à l’hôpital, cela voulait sûrement dire qu’il n’avait pas survécu…

Ça ne pouvait pas arriver. Il fallait que je le retrouve. Mais comment faire, un dimanche soir quand tout est fermé ?

Je repensai à l’homme fou qui nous avait agressés et je ressentis une telle colère que je serrai les poings de toutes mes forces. Des larmes silencieuses coulèrent sur mes joues pendant quelques secondes. C’est ma sœur qui me fit reprendre mes esprits en me serrant de nouveau dans ses bras.

— On rentre ? dit-elle simplement, le visage rongé par l’inquiétude.

J’acquiesçai et descendis du lit. L’interne nous avait déjà quittées. Je rassemblai mes affaires et suivis Carole jusqu’à sa voiture.

— Mon chien ! sursautai-je. Personne ne s’est occupé de lui…

— Je suis passée lui donner à manger ce matin et le promener, me rassura ma sœur en ouvrant ma portière pour que je m’installe dans son SUV noir.

Je me tranquillisai et regardai ma sœur faire le tour de sa voiture pour s’installer derrière le volant. Nous n’échangeâmes pratiquement aucun mot pendant le trajet. Je crois que j’étais en état de choc et je me sentais toujours un peu engourdie et extrêmement fatiguée. Mais j’avais aussi terriblement faim. Une faim qui me rongeait l’estomac et que je n’avais encore jamais ressentie.

— Il faut que je mange de la viande, lâchai-je dans un état second.

Carole tourna légèrement la tête vers moi, perplexe.

— J’ai des steaks au congélateur, ajoutai-je en tenant mon estomac douloureux.

— Tu es sûre que ça va ?

Je préférai ne pas lui répondre. Je m’absorbai dans la contemplation de ma fenêtre pour la simple et bonne raison que je ne savais pas du tout comment j’allais. Je me sentais bizarre et je n’avais aucune explication à ça…

Carole se gara devant chez moi et nous sortîmes toutes les deux en même temps. Je faillis m’écrouler en marchant avec mes talons hauts, que je n’avais toujours pas quittés, et suivis maladroitement ma sœur jusqu’à ma porte d’entrée. Je la déverrouillai, balançai mes talons aiguilles dans l’entrée, puis me laissai tomber sur mon canapé tandis que ma sœur s’activait dans la cuisine.

— Fais-moi au moins deux steaks avec des œufs et beaucoup de pâtes au fromage, lui recommandai-je.

Elle me prépara le tout et me servit une assiette énorme que je dévorai en quelques minutes sous son regard médusé.

— On dirait que tu n’as pas mangé pendant une semaine, commenta-t-elle.

— Je sais… et le pire c’est que j’ai encore faim.

Je me levai pour aller chercher le pot de glace menthe/chocolat qui se trouvait dans mon congélateur. Je l’engloutis aussi vite que le reste. Et, enfin, je me sentis rassasiée. Puis, je sentis mes yeux devenir encore plus lourds que tout à l’heure. Mes paupières me piquaient de plus en plus.

— Je dois aller dormir, prévins-je ma sœur qui continuait à me regarder comme si j’étais une extra-terrestre.

— OK. Je reste avec Sam, répondit-elle avec inquiétude en caressant mon chien qui s’était blotti contre elle sur le canapé.

Je montai mon escalier dans un état second, incapable d’analyser la situation pour le moment. Il fallait juste que je dorme. J’atteignis mon lit juste à temps et m’écroulai de tout mon long avant de sombrer dans un profond sommeil.

Le lendemain, je fus réveillée par une sonnette insistante. Je m’étirai, encore à moitié endormie, et me levai lentement. Mon corps était lourd et j’avais du mal à aligner un pied devant l’autre. Mon estomac se mit à grogner et cette faim dévorante refit surface.

Bon sang ! Mais qu’est-ce qui m’arrive ?

Je m’accrochai à la rampe pour descendre mes escaliers tandis que des coups puissants résonnaient sur ma porte.

— Mademoiselle Bonaldi, ouvrez ! criait une voix masculine depuis la rue. Dernier avertissement avant qu’on défonce votre porte !

C’est quoi encore ces conneries ?

Mon chien, qui était dans mon jardin, aboyait sans s’arrêter.

— J’arrive, marmonnai-je en arrivant enfin devant ma porte.

Je jetai un œil à l’horloge accrochée au mur et m’arrêtai net.

Putain ! Il est 18h...

J’avais encore dormi une journée entière…

Les coups redoublèrent sur ma porte, alors je finis par l’entrouvrir sans penser à mon apparence désastreuse. Je ne m’étais toujours pas démaquillée et mon serre-tête s’était fait la malle pendant la nuit…

Heureusement, j’étais toujours habillée. Certes, je n’avais pas changé de vêtements depuis la soirée, mais c’était mieux que d’ouvrir en pyjama… Enfin, je crois.

Devant les deux hommes qui se tenaient devant moi, je me figeai. Morgan était là, en uniforme, avec un autre policier. Ses yeux d’un bleu pur se posèrent sur moi tandis que je me jetais sur lui sans réfléchir.

— Morgan ! m’écriai-je avec soulagement en l’agrippant par le cou.

Il posa d’instinct ses mains sur ma taille pour me repousser. C’est là que je réalisais mon erreur. Je devais ressembler à une loque puante.

Oh, mon Dieu...

Je le relâchai aussitôt, mal à l’aise.

— Tu es vivant…, lâchai-je en regardant son ventre. Ils ont réussi à te soigner ?

Je ne pus m’empêcher d’essayer de le déshabiller pour en avoir le cœur net. J’étais complètement irrationnelle. Et dingue…

— Qu’est-ce que vous faites ?! s’écria Morgan en attrapant mes poignets.

Sa peau était chaude et douce contre la mienne et je fondis littéralement entre ses mains alors qu’il m’observait sans comprendre. Ses yeux d’un bleu presque transparent me sondèrent avec insistance.

— Désolée…, je voulais juste vérifier par moi-même…

— Tu la connais ? demanda son collègue.

Il était chauve et avait la peau sombre.

— Non, répondit Morgan sans cesser de me dévisager comme si quelque chose lui échappait ou comme si j’étais folle.

Cela me brisa le cœur qu’il fasse comme s’il ne me connaissait pas.

— Elle sait pourtant qui tu es, visiblement…, le rabroua son collègue.

— Pourquoi tu ne lui dis pas qu’on s’est vus samedi soir ? Tu as failli mourir… Ce type t’a poignardé...

— C’est quoi cette histoire ? me demanda Morgan, perplexe sans lâcher mes poignets.

Je n’étais pas dans mon état normal et ce simple contact faisait battre mon cœur à un rythme effréné.

— On l’embarque ! répliqua son collègue.

Avant même que je ne comprenne la situation, Morgan me passait les menottes aux poignets.

— Mais… qu’est-ce qui se passe ?!! hurlai-je, alors qu’il m’entraînait dans la voiture de patrouille pour me faire monter à l’arrière.

— Morgan ? l’appelai-je quand il s’installa sur le siège passager.

Il se tourna légèrement vers moi pendant que le chauve démarrait la voiture.

— Vous êtes inculpée pour le meurtre de Fernand Teipe.

— Quoi ? Mais… C’est n’importe quoi !!! m’énervai-je. C’est qui ce type ?

Je me débattis tant bien que mal dans mon siège, mais je n’avais jamais été menottée. Il était impossible de se détacher.

— Restez calme, mademoiselle Bonaldi. C’est un clochard qui traînait à proximité d’un club.

Cette information me fit encore plus péter les plombs.

— Comment je peux rester calme après tout ce qui s’est passé depuis samedi soir ?!!! hurlai-je.

Mon ventre gronda férocement tandis que des larmes de colères dévalaient mes joues.

— Il faut que je mange quelque chose !! aboyai-je en me débattant toujours.

— Ferme-là ! tonna le conducteur. Tu mangeras quand je l’aurai décidé !

Cela me calma presque aussitôt. Je compris que j’étais dans une merde sans nom… et que Morgan ne ferait absolument rien pour m’aider.

La seule chose positive de cette journée, c’est qu’il n’était pas mort…

Nous arrivâmes enfin devant le poste de police. Morgan et son équipier descendirent de la voiture pour se parler.

— Tu sais que si tu mens à propos de cette fille ça compromettra l’enquête et tu risques de perdre ton poste, commença le chauve d’un ton accusateur tandis que Morgan l’observait, impassible.

— Je sais et je t’assure que je ne la connais pas.

Leurs voix étaient faibles, mais je comprenais tout de même leur échange. Les mots de Morgan me serrèrent le cœur.

Il se détourna de son équipier et vint m’ouvrir la portière pour me faire sortir du véhicule. Son collègue avançait déjà vers l’entrée du commissariat, l’air contrarié.

— Pourquoi tu ne dis rien ? demandai-je à Morgan en marchant à ses côtés.

Comme il s’obstinait à garder le silence, je continuai :

— Je n’ai tué personne… C’est ce type qui nous a agressés...

Morgan n’avait jamais été très bavard mais, là, c’était tout simplement insupportable. Lorsqu’il avait failli mourir, je lui avais ouvert mon cœur et il m’ignorait comme si je n’avais jamais existé…

— On parlera dans mon bureau, dit-il simplement.

Il attrapa mon bras lorsque nous franchîmes l’entrée du commissariat, répondit brièvement à la réceptionniste qui lui faisait les yeux doux, et me guida à travers quelques couloirs. Cela n’avait rien d’amical ou d’affectueux et ça me perturba encore plus que Morgan ait ce genre de comportement avec moi. Comme si je n’étais qu’une criminelle détestable.

Il me fit entrer dans un bureau, sans doute le sien, et ferma rageusement la porte derrière lui. Pourtant, il paraissait toujours aussi calme, ce qui me fit un peu paniquer. Il prit place derrière son bureau et me fit signe de m’asseoir. Puis il ouvrit un dossier qui contenait plein de photos. Il en prit une dans sa main avant de refermer le dossier d’un claquement sec.

— D’après vous, on s’est vus samedi soir ? demanda-t-il en m’étudiant attentivement.

Je lui rendis son regard sans comprendre.

— Tu ne t’en souviens pas ? m’inquiétai-je, abasourdie.

— Et que s’est-il passé ? continua-t-il, perplexe, en détournant ma question.

Je lui expliquai absolument tout, sauf la partie où je lui avais déclaré ma flamme. Puis un détail me revint. Morgan m’avait parlé d’une grande rousse qui s’appelait Patricia et j’en avais effectivement croisé une.

— Patricia, elle passait la soirée avec d’autres filles, c’est ça ?

Morgan plissa les yeux.

— Comment tu la connais ? s’emporta-t-il en passant enfin au tutoiement.

— Mais c’est toi qui m’en as parlé, samedi soir ! m’agaçai-je. Arrête de faire comme si j’étais folle !!

Morgan continua de me fixer de ses yeux d’un bleu pur qui me faisaient un effet dévastateur. Il s’adossa à sa chaise.

— Comment expliques-tu qu’on ait retrouvé ton ADN sur le couteau qui a servi à tuer ce type ? demanda Morgan, sans cesser de m’analyser.

Il me montra la photo du dossier. C’était le cadavre du clochard... Je faillis paniquer, parce que je n’avais jamais vu de mort et que cette photo était bien réelle. C’était horrible et la blessure ressemblait beaucoup à celle de Morgan.

Comment est-ce possible ?

Je détournai mon regard de la photo, car c’était insupportable à regarder.

— Je me suis coupé le doigt en tentant de t’aider…, murmurai-je.

Morgan observa mes mains.

— Tu n’es pas blessée, pourtant…

— Je n’ai pas inventé toute cette histoire ! me défendis-je.

— Pourtant, les faits ne sont pas vraiment en ta faveur. Je vais devoir te mettre en cellule pour cette nuit.

Je secouai la tête, en plein déni. Je n’avais jamais été arrêtée, ça ne pouvait pas m’arriver. C’était surréaliste, j’étais en plein cauchemar !

— Pourquoi tu fais ça ? demandai-je tristement.

Ses yeux me transpercèrent lorsqu’il les posa de nouveau sur moi.

— Écoute, Vicky. On ne s’est pas vus depuis des années et je te retrouve mêlée à une affaire de meurtre.

— Ça fait un an, dis-je.

Il me fixa une seconde.

— Cette rencontre au supermarché ne compte pas. Tu ne m’as même pas reconnu, bon sang !

J’aurais voulu tout lui déballer une fois de plus, mais ce n’était pas le moment.

— Pourquoi tu n’as pas dit à ton collègue que tu me connais ? enchaînai-je.

Morgan se leva et s’approcha de moi.

— On y va, dit-il pour éviter de répondre à ma question.

— Mais je n’ai jamais été arrêtée… Je n’ai rien fait du tout, il faut que tu me croies, Morgan, le suppliai-je.

Il attrapa mon bras pour que je me lève à mon tour et je le suivis une nouvelle fois dans les couloirs. J’étais terrorisée et mon ventre choisit ce moment pour se rappeler à moi.

— Il faut que je mange quelque chose, dis-je dans un souffle.

— J’irai te chercher un truc à manger, acquiesça Morgan, à mon grand soulagement.

— Merci.

Nous arrivâmes dans un bureau où il y avait deux cellules vides côte à côte. Morgan me retira les menottes et me fit entrer dans l’une d’elles avant de m’enfermer à l’intérieur. Je lui fis face et nous nous fixâmes un instant.

— J’ai eu des flashs devant chez toi et quand tu m’as raconté ta version de l’histoire, lâcha-t-il de but en blanc.

— Alors, tu me crois ? demandai-je, pleine d’espoir, en venant m’accrocher aux barreaux qui nous séparaient. Comment tu as pu oublier tout ça ?

Morgan secoua la tête et partit sans dire au revoir. C’est là que je remarquai un autre agent assis au bureau du fond. Ce dernier ne me prêta aucune attention et continua de taper sur son ordinateur et de feuilleter des dossiers.

Je me sentais complètement démunie. J’avais une faim terrible qui me donnait la nausée et mon corps était encore faible. Je finis par m’allonger sur le lit d’appoint au fond de la cellule et je fixai le plafond en attendant la suite.

Je ne savais même pas si Carole était au courant. Elle était peut-être juste sortie acheter un truc. Et mon chien… Personne ne s’en occuperait.

Cette dernière pensée me fit paniquer. Je me redressai. Il fallait que j’appelle ma sœur. Je m’approchais des barreaux pour interpeller l’agent au fond du bureau quand Morgan refit son apparition. Dans une main, il tenait un sac en papier qui contenait certainement de la nourriture. Il croisa mon regard puis reporta son attention sur l’agent au fond du bureau.

— Maurice, tu veux bien nous laisser une minute ? l’interpella Morgan.

Le dénommé Maurice leva la tête vers Morgan.

— J’avais besoin de faire une pause, de toute façon, acquiesça-t-il en prenant un paquet de cigarettes dans la poche de sa veste.

Morgan hocha la tête et le regarda partir avant de poser le sac sur le meuble en face de la cellule. Il prit une chaise qu’il déposa en face de moi. Il fouilla ensuite dans le sac en papier et en sortit une petite boîte en polystyrène.

— Je t’ai acheté un grec au resto du coin, dit-il en me le tendant.

Je le pris, un peu surprise, et il sortit une autre boîte pour lui.

— Merci. Tu manges avec moi ? m’étonnai-je.

— Je me souviens de certains trucs, commença Morgan avant de mordre à pleines dents dans son sandwich.


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