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Photo du rédacteurOlivia Sunway

Au Nom de l'Harmonie, tome 4 : Souffle de Vie Partie 1 - Chapitre 1

Un an plus tard


À 27 ans, je jonglais entre aider ma sœur à tenir son magasin de fleurs et mon métier d’Assistante de Vie Scolaire qui consistait à accompagner un petit enfant autiste pour qu’il puisse participer à la classe. J’étais donc en maternelle, entourée d’enfants qui me distribuaient des câlins à tour de bras. Et c’était juste génial !

Comme tous les mercredis, les fins d’après-midi après l’école et la plupart de mes week-ends, j’étais de corvée à la boutique. J’adorais également être entourée de plantes. Il faut dire que ma sœur, Carole, avait la main plus que verte. Dans son magasin régnait une ambiance apaisante et harmonieuse vraiment agréable.

Il paraissait petit de l’extérieur, mais dès qu’on franchissait l’entrée, on découvrait un petit paradis. La première chose qu’on voyait en entrant était un immense présentoir à roses de différentes variétés et couleurs qui répandaient un doux parfum. Un peu plus loin, on découvrait un endroit zen avec une petite fontaine décorative qui produisait un apaisant bruit de ruissellement avec plusieurs bonzaïs magnifiques et hors de prix. Dans le fond, il y avait quelques compositions florales et aussi beaucoup de plantes en pot, diverses et variées.

Carole passait presque ses journées entières entourée de plantes. Et, quand elle n’était pas dans son magasin, elle s’occupait des plantes dont elle avait rempli sa maison.

La porte tinta et me fit relever les yeux du bouquet que je composais. Carole était dans l’arrière-boutique et mettait quelques plantes en pot. Un client que je voyais régulièrement marcha timidement vers les roses rouges. Comme à chaque fois, il en choisit une douzaine avant de venir vers la caisse.

Il était grand et mince. Pas vraiment musclé, mais il avait une silhouette harmonieuse. Il avait des cheveux bruns coupés courts et des yeux marron cachés derrière de fines lunettes de vue.

Je le saluai et lui adressai un sourire.

— Je vais chercher Carole, lui dis-je avant de m’éclipser dans l’arrière-boutique.

Je la trouvai les mains remplies de terre.

— Ton admirateur t’attend, l’interpellai-je d’un ton taquin.

— Arrête de l’appeler comme ça ! me rabroua-t-elle.

Je lâchai un petit rire. Et, comme à chaque fois, Carole devint rouge comme une pivoine et s’affola pour nettoyer ses mains et être présentable. Puis, elle se rua vers la caisse, à moitié essoufflée, tandis que je l’observais avec notre plus fidèle client. Il venait chaque jour lui acheter une douzaine de roses rouges. Le pire, c’est qu’ils n’échangeaient pratiquement aucune parole, mais qu’ils semblaient tous les deux très gênés et intimidés. C’était aussi hilarant qu’attendrissant à regarder.

Lorsqu’ils se saluèrent et que l’admirateur de Carole fut parti, je retournai à mon poste.

— Alors, tu as vu son nom cette fois ?

— Oui, il a payé en carte bleue…

Je la regardai avec insistance pour qu’elle me révèle l’identité de son admirateur.

— Il s’appelle Marc…, dit-elle un peu gênée.

Pourtant, Carole n’était pas du genre timide. C’est ce qui m’amusait encore plus dans cette histoire. Enfin, je pouvais la taquiner un peu.

— Tu devrais l’inviter à sortir, Sist. C’est quand même étrange qu’il vienne tous les jours…

Carole m’observa en pinçant les lèvres, comme si je l’avais contrariée, ce qui était probablement le cas. Elle se détourna pour rassembler le bouquet que j’avais commencé à confectionner. Sous ses doigts, les fleurs avaient toujours l’air en meilleure santé, mais j’avais toujours pensé que c’était une illusion. Elle avait simplement la main verte.

— Parlons plutôt de toi. Depuis ton coup de foudre d’il y a tout juste un an, tu ne vois plus personne. Tu n’as même pas essayé. Alors, ce soir, on va sortir. J’ai reçu un prospectus dans ma boîte aux lettres. Il y a une soirée chippendales ! se réjouit ma sœur.

Je me renfrognai en appuyant mon coude sur le comptoir.

— Tu sais que je n’aime pas ce genre de soirée…

— Allez ! On va bien s’amuser, continua ma sœur en finalisant le bouquet pour le disposer dans un vase blanc. On est samedi et on ne sort presque jamais. Je fermerai la boutique exceptionnellement demain pour qu’on puisse se reposer.

Plusieurs autres clients entrèrent, ce qui mit fin à notre conversation. Nous nous occupâmes d’eux tandis que d’autres arrivaient. Et il n’y eut aucun temps mort jusqu’à la fin de la journée.

Je savais que Carole ne lâcherait pas l’affaire pour sa foutue soirée, alors je cherchais quelque chose à lui demander en échange pour la taquiner.

La journée passa à une vitesse fulgurante, Carole et moi n’avions même pas eu le temps de prendre notre pause déjeuner. Il y avait eu un monde fou !

Nous rangeâmes un peu avant de partir enfin. Nous étions exténuées et nous avions une faim de loup. Alors, Carole proposa de m’offrir une pizza et de m’emmener chez elle. Je savais que cela faisait partie de son plan pour m’obliger à sortir avec elle.

Nous mangeâmes devant The Good Place, une de nos séries préférées du moment. Une fois complètement rassasiée, je n’avais plus qu’une envie : rejoindre mon lit et dormir !

Je commençais à somnoler lorsque je reçus un coussin en pleine tête.

— Tu ne vas pas t’endormir, quand même !

— Aïe ! criai-je, abasourdie. Tu as osé !

Carole rigola et ramassa les boîtes de pizza vides.

— Tu vas prendre un bon bain pour te détendre et, ensuite, on ira chez toi pour chercher une tenue appropriée pour ce soir.

— Et nourrir mon chien, ajoutai-je.

— Oui, bien sûr, répondit Carole en agitant la main, comme si c’était une évidence.

— Je savais que tu ne lâcherais pas l’affaire, grognai-je. Mais bon… si je peux utiliser ton bain à remous, je ne dis pas non.

Carole me jeta un regard taquin du style : « Tu savais que j’allais gagner, Sist », mais je ne relevai pas. J’étais bien trop fatiguée pour jouer avec elle.

— Je vais prendre une douche et pendant que je me prépare tu prendras ton bain, OK ? J’en ai pour dix minutes, n’en profite pas pour t’endormir.

— OK…, soupirai-je en lançant un autre épisode.

Comme promis, elle réapparut dix minutes plus tard, une serviette de bain enroulée autour de son corps mince et une autre pour maintenir ses cheveux humides.

Carole et moi n’avions presque rien en commun, excepté les mêmes yeux noisette de notre père. Elle était grande, élancée, et avait une classe folle. Ses cheveux étaient d’un blond doré. Moi, j’étais presque tout l’opposé. Petite, mince et brune. J’avais hérité des traits de ma mère tandis qu’elle ressemblait plus à mon père. Nous avions toutes les deux de jolis yeux marron.

La plupart des personnes qui nous connaissaient ne voyaient pas notre air de famille, mais nous nous entendions vraiment bien. Nous faisions presque tout ensemble. Surtout depuis la mort de nos parents…

— Ton bain est prêt, tu n’as plus qu’à sauter dedans, me dit-elle avec un clin d’œil.

Il ne m’en fallut pas plus pour me précipiter vers la salle de bain.

Pendant que je profitais des bulles et de l’agréable odeur des sels de bain, Carole se maquillait à côté de moi. Puis elle partit chercher plusieurs tenues en me demandant mon avis.

Je la soupçonnai de l’avoir fait exprès pour me laisser profiter de mon bain plus longtemps, car Carole n’avait jamais eu besoin de mon avis pour s’habiller. C’était plutôt le contraire.

— La robe bleu marine avec le décolleté dans le dos, lui conseillai-je.

— Très bon choix, approuva-t-elle.

Elle enfila des sous-vêtements en dentelle bleu marine avant de mettre sa robe. L’effet était saisissant. Fini la petite fleuriste pleine de terre et bonjour la femme fatale !

— Allez, à ton tour, maintenant. C’est l’heure de sortir de ton bain, rigola-t-elle en me tendant une serviette moelleuse.

Je fis la moue, car je n’aimais pas lorsque Carole se comportait de façon si maternelle. Et cela nous rappela à toutes les deux la perte de notre mère, quelques mois plus tôt. Elle était morte d’un cancer foudroyant. Nos regards se croisèrent et un voile de tristesse s’y refléta. Je n’ajoutai rien et sortis de la baignoire en attrapant la serviette.

Je m’essuyai et me rhabillai puis nous partîmes chez moi.

Lorsque je poussai la porte d’entrée, je reçus une attaque d’amour de la part de mon chien. Il me sauta dessus et fit de son mieux pour atteindre mon visage et me barbouiller de léchouilles. Sam était un labrador noir qui m’avait littéralement adoptée lorsqu’il m’avait rencontrée dans la rue. Sociable et très affectueux, nous avions tous les deux eu le coup de foudre l’un pour l’autre, si je puis dire. Je l’avais emmené chez le vétérinaire et il m’avait informée que mon chien n’était ni pucé ni tatoué. De plus, aucune disparition n’avait été signalée. Au fond de moi, j’avais toujours peur de retrouver son propriétaire. Sam s’était forcément enfui de quelque part, car il avait quelques notions de dressage. Pourquoi Sam ? Tout simplement parce que je l’avais trouvé un samedi. Pas très original, je sais… Mais ça lui allait bien.

Je caressai mon chien en rigolant, puis il fit la fête à ma sœur qui n’appréciait pas particulièrement ses attentions. Elle le repoussa tant bien que mal en râlant.

Je fis sortir Sam dans mon jardin, puis Carole et moi montâmes dans ma chambre pour choisir une tenue. Carole fouilla dans mon armoire alors que je la regardais, assise sur mon lit.

— Tu n’as aucune robe ? me dit-elle, abasourdie.

— Nous n’avons pas la même silhouette, Sist.

— Oh, arrête un peu ! Tu es presque aussi mince que moi. Bon… et ça ? continua-t-elle en me montrant un slim gris et un top noir que je ne mettais que très rarement.

Je haussai les épaules.

— Pourquoi pas.

Carole me tendit le tout et partit fouiller dans ma salle de bain. J’étais en train de m’habiller lorsqu’elle revint avec mon nécessaire de maquillage.

— Des smoky eyes avec un gloss et tu seras super canon ! se réjouit ma sœur.

J’acquiesçai. De toute façon, il était inutile de discuter avec elle pour ces choses-là.

Une fois prête, j’enfilai mes escarpins noirs avant de nourrir mon chien et de lui donner son jouet favori pour qu’il ne fasse pas de bêtises. Puis, nous nous rendîmes au club dont Carole m’avait parlé.

Le parking était bondé, mais nous réussîmes à trouver une place, ce qui était un miracle. Nous sortîmes de la voiture et nous dirigeâmes vers la longue file d’attente. J’espérais que nous ne passerions pas la soirée dehors…

— Au fait, puisque tu m’as obligée à sortir ce soir, tu devras faire quelque chose en échange.

Carole me jeta un regard perplexe.

— C’est cela, oui… Je l’ai fait pour ton bien, Sist.

— Ce que je vais te demander est également pour ton bien, répliquai-je avec un sourire malicieux.

— Je t’écoute.

— Lundi, tu devras inviter Marc à sortir.

Carole faillit s’étouffer et elle rougit instantanément. C’en était presque drôle.

— Arrête tes bêtises, s’affola-t-elle. Il achète des roses à sa petite amie tous les jours !

— C’est peut-être un simple prétexte pour te voir…, continuai-je.

Carole me jeta un regard interloqué.

— N’importe quoi !

— Écoute, je vous vois presque tous les jours et je peux t’assurer que tu lui plais, affirmai-je avec aplomb. Ce type te fait de l’effet, Carole. Alors, pourquoi ne pas tenter ta chance ? Tu n’as rien à perdre…

— Je vais y réfléchir, dit-elle tout de même.

— De toute façon, si tu ne fais rien la prochaine fois, je l’inviterai pour toi, dis-je en la fixant avec malice.

— Tu n’as pas intérêt ! se renfrogna ma sœur en attrapant une cigarette dans son sac.

Elle se tourna derrière nous pour demander du feu. C’est là que je surpris la conversation des cinq filles devant nous. Elles avaient l’air surexcitées et parlaient avec un type plutôt sexy qui venait de griller toute la file. Mais je n’étais pas du genre à faire des histoires et Carole discutait avec le mec de derrière. Elle n’avait pas vu l’intrus, et c’était tant mieux, sinon elle lui aurait tapé un scandale. Puis le mec sexy interpella le vigile et cria :

— Les cinq là sont avec moi.

Il se dirigea ensuite vers l’entrée du club et disparut à l’intérieur. Si j’en croyais les nanas de devant, il s’appelait Alex. Et si j’en croyais son attitude, il travaillait ici ou, en tout cas, il y venait souvent.

— C’était qui ce type ? demanda ma sœur qui venait de voir le dénommé Alex quitter la file.

— J’en sais rien, dis-je en haussant les épaules, mais il a l’air d’avoir la côte avec les nanas devant nous.

— Tu m’étonnes ! rigola Carole. Même moi j’en ferais bien mon quatre heures.

Je levai les yeux au ciel. Parfois, ma sœur était une vraie obsédée. Nous patientâmes encore quinze bonnes minutes dehors. Carole avait visiblement un ticket avec le mec de derrière qui ne la lâchait plus. Mais, pour sa défense, il avait l’air sympa et il était drôle. Il s’appelait Jason et il devait retrouver des copains à l’intérieur. Il nous demanda s’il pouvait passer avec nous deux pour ne pas se faire refouler à l’entrée et Carole accepta.

Jason avait de longs cheveux châtain clair qu’il avait rassemblés en un chignon, et des yeux noisette. Il avait un look de rockeur, mais il faisait classe. Il portait un jean délavé avec des boots et une chemise noire. Pas mal du tout dans son genre.

Une fois dans le club, Carole salua Jason et nous entraîna vers la seule table libre dans le fond. La musique était forte et les serveurs couraient dans tous les sens. Il y avait également pas mal de monde au bar. C’était bondé et il faisait une chaleur d’enfer. Nous nous installâmes à notre minuscule table et commandâmes deux Mojitos. Je remarquai les cinq filles qui faisaient la queue devant nous, installées deux tables plus loin.

— Tu les connais ? me demanda soudain Carole.

Je reportai mon attention sur elle.

— Non, c’est juste qu’elles étaient devant nous tout à l’heure. Elles ont l’air de bien s’amuser, répliquai-je.

— Chiche qu’on va les rejoindre ? rigola Carole.

— T’es dingue ? Jamais de la vie…

Carole explosa de rire et je la vis scruter la salle en sirotant son Mojito.

— Tu préfères rejoindre Jason et ses copains ? la taquinai-je.

— Il était plutôt mignon, dit-elle en haussant les épaules.

Les lumières se tamisèrent et une tout autre musique démarra. Les filles dans la salle devinrent complètement hystériques et poussèrent des cris. Puis, j’aperçus un chippendale au fond de la salle, intégralement vêtu de cuir. Je reconnus le fameux Alex. Ma sœur avait raison, son corps était sacrément appétissant et il avait des yeux d’un vert magnifique.

Je jetai un coup d’œil à Carole qui semblait du même avis que moi. Alex fendit la foule pour se pointer devant l’une des cinq nanas qui étaient devant nous dans la queue avec un sourire carnassier.

— Tu vois ? On aurait dû les rejoindre, me taquina ma sœur.

— C’est vrai, tu avais raison, acquiesçai-je.

Le spectacle dura une bonne demi-heure et c’était tellement chaud que j’en venais presque à fantasmer sur ce type. Mais je n’étais pas encore prête à passer à autre chose. L’image de Morgan était toujours gravée dans ma mémoire. Mon cœur était marqué au fer rouge après ce qui s’était passé ce dimanche matin dans cette petite supérette.

Cela avait beau faire un an, j’avais l’impression que c’était hier et, chaque jour, je repensais à ce moment magique où mon corps avait été foudroyé du coup de foudre. Parce que ça ne pouvait pas être autre chose. J’avais tout fait pour le retrouver, en vain…

Je gardais toujours cet infime espoir que le destin remettrait Morgan sur mon chemin un de ces jours.

— Tu déprimes ? m’accusa ma sœur en me jetant un regard suspicieux.

— Pas du tout, mentis-je en finissant mon cocktail.

Elle plissa les paupières en me scrutant attentivement.

— Il faut vraiment que tu rencontres quelqu’un, dit-elle finalement.

— Et toi, il faut vraiment que tu invites Marc à sortir, répliquai-je en lui tirant la langue comme une gamine.

Carole râla, puis scruta de nouveau la salle. Je crois qu’elle cherchait toujours Jason et ses copains. Le show se termina enfin et les filles se calmèrent un peu lorsqu’Alex quitta la pièce.



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